Depuis une année et suite aux événements liés à la pandémie actuelle,  la pratique des arts martiaux se trouve grandement perturbée pour bon nombre de personnes. De confinements en protocoles sanitaires successifs, les espaces et temps dédiés à la pratique de l’Aïkido se sont considérablement restreints. Au delà des initiatives numériques et distancielles, un élément essentiel de la pratique à pu s’extraire de ces contraintes. La pratique des armes que sont l’Aïki-ken et l’Aïki-jo.

Au delà des styles et des interprétations techniques, on perçoit aujourd’hui un véritable regain de la pratique des armes de l’Aïkido. Découverte pour certains, travail de fond, de forme pour d’autres, l’utilisation des armes dans un contexte complexe retrouve une certaine noblesse et permet de conserver un travail efficient en lien direct avec le cœur et l’esprit de la discipline. Les techniques d’Aïkido se sont construites en référence aux armes, c’est donc un moyen privilégié de maintenir et développer sa pratique personnelle.

Pratique individuelle et transversale

L’étude des suburis (frappes et coupes) du ken et du jo donnent en tout premier lieu matière à un travail journalier donnant des possibilités de mobiliser des éléments essentiels et transversaux de la pratique de l’Aïkido. Renforcement des hanches, appréciation et contrôle des positions hanmi et hitoemi, centrage et respiration se combinent dans cette étude solitaire des suburis. Face au miroir, au reflet d’une fenêtre et de soi-même, l’arme permet de mobiliser et de prolonger le mouvement du corps. Une telle pratique individuelle et régulière permet ce travail personnel d’affinement sans être perturbé ni se focaliser sur la prise d’informations que génère le travail avec partenaire ou adversaire.

Visioconférence, liens interpersonnels et progression technique

Une étape numérique est née et se distingue depuis un an. La visioconférence devient un véritable outil d’accompagnement de l’enseignement. Elle permet un travail individuel même dans des espaces restreints et de se retrouver de façon hebdomadaire selon un programme technique qui se construit dans le temps. Les conditions matérielles s’améliorent en terme de technique audiovisuelle il n’a pas toujours été aisé de construire un programme en visioconférence.
Corrections des pratiquants, suivi des images, régularité et progression technique n’ont pas été aisés à construire dans une pratique ou la relation à l’autre est essentielle.

La visioconférence est passée d’un moyen de conserver le lien à un véritable outils pédagogique. Elle permet de suivre l’évolution, d’appréhender les progressions des pratiquants, de créer une régularité dans cette période morcelée par des arrêts, reprises et contraintes. La progression technique est aussi perçue et le suivi des élèves se trouve renforcé malgré la distanciation qu’implique la visioconférence.

Pratique masquée en extérieur et continuité pédagogique

La notion d’opposition médiée par une arme, ken ou jo, facilite le travail de distance. Bien qu’imposé par des protocoles sanitaires, cet élément essentiel de l’Aïki n’en n’est pas moins un travail transversal de la pratique. Distances et port du masques permettent de conserver selon les périodes et les régions une pratique d’arme adaptée et continue en extérieur.
Pas de contact physique, travail de distance, construction distanciée par l’arme dans le rapport à l’autre, amplitudes des mouvements et awase (timing) retrouvent toute leur raison d’être. Le port du masque étant compatible, on construit un véritable développement personnel lié à la pratique des techniques d’armes « Bukiwaza ».
Les contraintes d’horaires et de lieux ont permis de générer des temps fort de regroupement des pratiquants les plus passionnés et motivés. Comme une parenthèse, un sas de respiration dans une période troublée. Se retrouver devient aussi important que de pratiquer, la dynamique du développement et du maintien des arts martiaux et de l’Aïkido passe par cela. Traditionnellement au japon la pratique des armes se réalise en extérieur sauf en cas d’intempéries importantes. Le travail à deux vient donc renforcer de manière significative les actions réalisées seul ou en visioconférence. La qualité du lien se renforce et la continuité pédagogique développée par des supports numériques est renforcée par ces temps de partage et de travail collectif.

Aujourd’hui, les arts martiaux se trouvent menacés, la perte de pratiquants, l’arrêts des cours, stages et événements ont considérablement impactés la pratique et la dynamique martiale. Une partie de la richesse de ces arts, construits sur la relation à l’autre dans toutes ses dimensions, est amputée de façon ponctuelle. Cependant, de tous temps les arts martiaux ont su faire face, s’adapter, évoluer et prendre en leur sein les valeurs et notions essentielles que développent les budos pour mieux rebondir. La pratique des armes, élément culturel, historique, technique et pédagogique des arts martiaux japonais demeure et est sans nul doute aujourd’hui une première marche vers un retour au développement de ces Budos comme l’Aïkido que nous portons en nous.


Olivier Eberhardt
5ème Dan – Elève de SAITO Hitohira sensei
Responsable technique Dento Iwama Ryu Aïkido France

Categories: Actualités