Gaku HOMMA Sensei, est le directeur et fondateur du Nippon Kan dojo à Denver aux USA. Il est le dernier uchi-deshi officiel (élève interne) du fondateur de l’Aïkido Morihei UESHIBA et a vécu les derniers instants de Ô Sensei à Iwama. Gaku HOMMA Sensei s’est ensuite installé aux Etats Unis où il à crée sa propre organisation en 1978. Avec plus de 50 ans de pratique de l’Aïkido et une connaissance encyclopédique de la naissance au développement de cet art martial dans le monde entier, voici ce qu’il relate dans son article.

Hitohira SAITO Kaicho a récemment publié un avis à l’attention de tous les membres de l’Iwama Shinshin Aiki Shuren Kai pour préserver la dignité de l’héritage de son père feu Morihiro SAITO Sensei.  (Ci-après dénomé « Morihiro Shihan », ancien Shihan de l’Aïkikaï de Tokyo et Dojo-cho d’Iwama).

Bien que je ne sois pas un membre de l’Iwama Shinshin Aiki Shuren Kai, je suis totalement d’accord avec cet avis. En tant que Budoka et tierce personne, je souhaite partager mon point de vue, et apporter mon soutien à ce qui a été annoncé.

Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer mon point de vue tout en partageant des histoires de l’époque où le fondateur de l’Aïkido se portait bien et lorsque Morihiro Shihan travaillait pour les chemins de fer nationaux du Japon (Japan Railways Group, alias JR). Morihiro Shihan, continuait non seulement ses entraînements « keiko » d’Aïkido sous la direction du fondateur, mais de part son statut de disciple de longue date, il assistait avec moi, au travaux quotidiens d’Ô Sensei.

Je voudrais attirer l’attention de tous sur un point. Dans le cadre de la pandémie actuelle de COVID-19, de très nombreuses personnes à travers le monde connaissent et endurent des degrés divers de difficultés. Dans ces circonstances, les Aïkidokas ont été soumis à d’énormes limitations pour continuer à pratiquer dans leur dojo. Surtout lorsqu’il est prudent de maintenir des directives de distanciation sociale comme mesure préventive de lutte contre la propagation du COVID-19. Par conséquent, de nombreux dojos sont non seulement passés de la pratique à l’intérieur à la pratique à l’extérieur, mais ont également commencé à se concentrer davantage sur la pratique des techniques d’armes avec Jo et Bokken.

En fait, de nombreux instructeurs (ou instructeurs autoproclamés) ont enregistré leur performance, sous forme de démonstration de mouvements du Jo, connus sous le nom de Kata 31. Ils les ont publiés sur des sites et les réseaux sociaux avec des commentaires explicatifs. Certaines démonstrations semblent avoir été enregistrées dans les salles à manger ou les salons de leurs maisons alors qu’il y avait parallèlement des enregistrements de diffusion en direct, apparemment diffusés depuis l’arrière-cour de leurs maisons. Bien que certains de ces clips vidéo soient assez impressionnants avec des explications très élaborées et une attention particulière portée aux détails, presque tous négligent d’inclure un fait très important. C’est-à-dire: «D’où vient le kata 31 ? »

Tout comme copier des tableaux de chefs-d’œuvre sans faire référence aux peintres originaux ou jouer des morceaux de musique sans aucune mention des paroliers ou des compositeurs, publier une démonstration du Kata 31 en public revient à publier une copie de l’œuvre d’art originale en public. Par conséquent, il n’est pas seulement prudent et courtois, mais aussi peut-être du devoir de tout Budoka de respecter l’inventeur en faisant référence à l’origine d’un ensemble de techniques d’arts martiaux comme le Kata 31.  Surtout lorsqu’un Budoka l’exécute en public.

Comme vous le savez tous, les droits des inventeurs, des artistes sur leurs inventions et œuvres d’art sont protégés par des brevets et des droits d’auteur. Ces protections et droits ne sont pas limitées aux seuls artistes célèbres comme Vincent van Gogh, Auguste Renoir ou Ludwig van Beethoven. Cependant, dans la plupart des cas, c’est une réalité qu’aucun interprète de démonstration martiale n’a jamais accordé de crédit là où le crédit est dû. Une telle tendance ne se limite pas aux Kata 31 du Jo, et le même phénomène est souvent observé pour les formes de pratique de « Kumi-Jo » (kata du jo), « Kumi-Tachi » (katas du ken) ou encore les Suburi (frappes et coupes aux armes). Je ne peux m’empêcher de penser que personne parmi les artistes interprètes ou exécutants sur les sites  et réseaux sociaux n’est au courant des contributions et des réalisations de Morihiro Shihan. Ce dernier a en effet été non seulement influent,  mais aussi profondément et directement impliqué dans le processus de développement de ces formes de pratique. Et ceci alors que presque tous les « démonstrateurs » peuvent appeler ces formes de pratique avec les noms appropriés.

De plus, il n’est pas rare de trouver et de voir des clips vidéo sur les réseaux sociaux dans lesquels des mouvements de ken-jutsu, de Iaïdo ou d’autres styles qui n’ont rien à voir avec l’Aïkido sont mélangés comme s’ils faisaient partie de l’Aïkido. Cela conduit à des malentendus et porte la confusion envers les cultures traditionnelles japonaises dans les circonstances incertaines actuelles découlant de la pandémie de COVID-19. Ces phénomènes n’ont pas commencé suite à l’arrivée de la pandémie COVID-19. Je me sens en fait très infructueux et frustré par ces tendances depuis un certain temps.

Je souhaite que quiconque qui se revendique comme un disciple de Morihiro Shihan ait une connaissance et une expérience appropriées. Ceci pour non seulement nourrir une perspicacité aiguë et séparer ce qui est authentique de ce qui ne l’est pas, mais aussi pour continuer d’engager un effort quotidien dans la pratique de l’Aïkido tout en gardant l’accent sur les traditions du passé. Il s’agit là aussi de respecter le long et sinueux chemin de l’histoire de l’Aïkido, ainsi que les grandes réalisations de, notre grand prédécesseur  Morihiro Shihan, qui demeurent.

Ô sensei Morihei UESHIBA et Morihiro SAITO Sensei à Iwama

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Ce qui suit d’ici, quoique un peu long, sont des histoires de ma jeunesse. C’est vraiment ce que je souhaite transmettre à quiconque se considère comme un disciple de Morihiro Shihan, et en particulier à ceux qui sont en position d’instructeur . Certaines de ces anecdotes datent, comme mentionné précédemment, du moment où le fondateur de l’Aïkido était encore en bonne santé et actif. Période où Morihiro Shihan travaillait pour les chemins de fer nationaux du Japon (Japan Railways Group, alias JR). A cette époque, il continuait non seulement ses entraînements « keiko » d’Aïkido sous la direction du fondateur et de part son statut de disciple de longue date, assistait avec moi au travaux quotidiens d’Ô Sensei.

Un matin, lors du petit déjeuner du fondateur de l’Aïkido …

Ce matin-là, le fondateur de l’Aïkido avait procédé à sa routine matinale quotidienne pour prier au sanctuaire de «l’Aiki-Jinja » (temple mondial de l’Aïkido)  et prier Amaterasu-sama (Amaterasu no Kami- Déesse du soleil Shinto) et l’Oinari-sama (Kami  Shinto – Dieu de la prospérité) avant de rendre hommage au Dojo. La routine quotidienne voulait qu’il rentra chez lui dans son salon, mais à la place, il décida de marcher dans un champ de légumes.

À ce propos, le fondateur de l’Aïkido était toujours en tenue formelle pour visiter les lieux de culte. Le rituel était très important et spécial. Fait de prières et de culte il était très important pour lui de mener à bien cette routine quotidienne. Par conséquent, il était très inhabituel, presque au point d’être impossible, pour lui d’aller dans un champ de légumes alors qu’il était encore en tenue formelle.

Aïki-jinja: Temple mondial de l’Aïkido à Iwama – Japon

À cette époque de l’année, il y avait un groupe d’étudiants sur la propriété du dojo qui étaient venus pour un camp d’entraînement en Aïkido. Ils allaient généralement courir en ville afin de ne pas déranger le Fondateur pendant sa routine matinale et les prières. Ils sont revenus peu de temps après que le Fondateur de l’Aïkido ait commencé à prendre son petit déjeuner pour commencer à pratiquer les mouvements du Bokken et du Jo dans la zone qui se situe devant l’Aïki-jinja sous la direction de Morihiro Shihan. Alors qu’il était toujours très difficile de savoir à quel moment exact le fondateur de l’Aïkido finirait sa routine matinale, il était totalement inattendu pour le fondateur de l’Aïkido d’aller directement vers un champ de légumes tout en étant toujours en tenue formelle.
Kikuno-san devait retourner préparer le petit déjeuner après la prière matinale à l’Aïki-jinja. (Kikuno Yamamoto, de son nom de jeune fille, était la femme de ménage du fondateur de l’Aikido et de sa femme. Elle était aussi uchideshi car pratiquante d’Aïkido). J’avais quant à moi le devoir de «Osobatsuki» lors de son rituel matinal.

Une personne dans le rôle de «Osobatsuki» suit le Fondateur de l’Aïkido de quelques pas en retrait tout en restant « alerte », de manière à pouvoir répondre à ses appels.

À ce propos, alors que de grandes azalées avaient été plantées là où autrefois se tenait un champ de légumes, ces azalées ont été transplantées d’ailleurs dans le cadre de la réorganisation de l’aménagement de la propriété du Dojo après la disparition du fondateur de l’Aïkido. En outre, de nombreux légumes différents ont été plantés dans un champ plus proche, et les arachides étaient généralement plantées dans un champ plus éloigné.

Alors que je le suivais dans le champ de légumes, je n’arrêtais pas de me dire: «Où va-t-il? Que doit-il faire où qu’il aille? », Et quand il s’est arrêté, il a ensuite tranquillement commencé à regarder de l’autre côté d’une forêt Morihiro Shihan qui enseignait à un groupe d’étudiants les techniques d’armes « Buki Waza ». Après un certain temps, le fondateur de l’Aïkido décida de rentrer chez lui et j’ai été témoin d’une remarque mémorable à la table du petit déjeuner. (Croyez-le ou non, la taille de la table à manger que nous utilisions était d’environ 90 cm x 50 cm avec des pieds pliables). Quatre d’entre nous, c’est-à-dire le fondateur de l’Aïkido, sa femme, Kikuno et moi prenions le petit-déjeuner ensemble. Bref, le fondateur de l’Aïkido mangeait tous les jours devant moi.

À l’improviste, le fondateur de l’Aïkido dit avec un sourire sur son visage à Hatsu-sama, sa femme:
«Saito, il se débrouille bien dans la conduite de son entrainement « keiko ».
Je n’oublierai jamais la remarque du Fondateur de l’Aïkido.

Après un certain temps, Morihiro Shihan vint voir le fondateur de l’Aïkido et le salua:  «Je viens de terminer une séance d’entrainement. Merci pour cette opportunité ».
Je me souviens encore très bien du sourire que le Fondateur de l’Aïkido avait sur son visage envers Morihiro Shihan, tout en hochant la tête comme pour donner à Morihiro Shihan un geste d’approbation.
(Morihiro Shihan venait toujours voir le Fondateur de l’Aïkido pour le saluer avant et après chaque séance d’entraînement. Que ce soit en extérieur ou dans le Dojo,  il rapportait avoir commencé un cours en disant quelque chose comme: «Je suis sur le point de commencer à enseigner une session d’entrainement. J’apprécie cette opportunité ».
Ou lorsqu’il venait juste de finir d’enseigner une classe, il venait avec une phrase comme: « Je viens de terminer d’enseigner une session d’entrainement. Merci pour cette opportunité».

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Le projet le plus important de l’Aïkikaï était en cours pendant les dernières années de vie du fondateur de l’Aïkido. Il consistait à construire un nouveau bâtiment pour l’Aïkikaï Hombu Dojo à Tokyo (Dojo central de l’Aïkikaï). De nombreux membres du conseil d’administration du Hombu Dojo, de nombreux Shihans, les instructeurs ainsi que les directeurs régionaux et les pratiquants à travers tout le Japon étaient attentifs aux progrès de la construction d’un nouveau Hombu Dojo à Tokyo.
A cette époque, le fondateur de l’Aïkido vivait toujours chez lui à Iwama, et éprouvait certains symptômes du processus de vieillissement que de nombreuses personnes âgées ne peuvent pas facilement éviter. Morihiro Shihan et sa femme, qui s’étaient dévoués à aider le fondateur de l’Aïkido de diverses manières,  devaient a cette période réaliser certains ajustements pour s’adapter aux besoins changeants du fondateur de l’Aïkido.

Bien que j’évite intentionnellement les descriptions détaillées de la façon dont le fondateur de l’aïkido était à l’époque parce que cela est de nature très personnelle, les personnes clés de l’Aïkikaï Hombu semblaient avoir une certaine idée du temps qu’il restait à vivre pour le solitaire et vieux Budoka qu’était Ô Sensei. Ils étaient tellement concentrés sur l’achèvement de la construction d’un nouvel Aïkikaï Hombu Dojo que presque aucun d’entre eux n’a pensé à la solitude du fondateur pendant cette période à Iwama. Ceci alors que le fondateur de l’Aïkido était encore relativement en bonne santé.

Bien qu’il y ait encore un certain nombre de Shihans qui se vantent en disant «J’avais l’habitude de bla, bla, bla… avec le fondateur de l’Aïkido! (beaucoup d’entre eux ne sont aujourd’hui plus avec nous)
Très, très peu de Shihan ou d’instructeurs sont venus à Iwama pour rendre visite régulièrement au fondateur de l’Aïkido à cette époque.
Dans les rares occasions où quelqu’un venait lui rendre visite, le(s) visiteur(s) demandaient à Morihiro Shihan, Kikuno-san ou moi ce que faisait le fondateur. En fonction de la réponse fournie, le(s) visiteur(s) laissaient derrière eux des offrandes à L’Aïki-jinja avant de rentrer chez eux sans saluer le fondateur de l’Aïkido.
(Offrandes constituées généralement une bouteille de saké  « nihonshu » et d’un tamagushi, c’est-à-dire une offrande shintoïste faite à partir d’une branche d’arbre de sakaki décorée de bandes de papier washi, de soie ou de coton avec une quantité de argent dedans).

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C’est dans de telles circonstances, que Morihiro Shihan s’est gravement inquiété de la possibilité de la disparition des techniques d’armes « Buki Waza » du Fondateur. Il a perçu non seulement la nécessité pour lui d’apprendre et d’hériter de ces techniques d’armes,  mais aussi celle d’organiser leur pratique en ajoutant un cadre et une structure.

Morihiro Shihan a par exemple organisé et structuré ce qu’il avait appris directement du Fondateur de l’Aïkido au travers le quotidien de ses journées consistantes d’entrainement.  Il a aussi vu le Fondateur de l’Aïkido dans ses diverses démonstrations et performances et lors de ses rituels d’adoration à l’Aïki-jinja. De tout cela émergea le Kata 31, qui est aujourd’hui appris et pratiqué par vous et de nombreux Aïkidoka.

Tout comme un dictionnaire ne peut être assemblé qu’après avoir organisé les significations d’une énorme quantité de mots et avoir ajouté des explications. Morihiro Shihan a organisé dans des formats faciles à comprendre, les diverses techniques que le fondateur de l’Aïkido s’était consacré a pratiquer et à maîtriser jours après jours. C’est aussi Morihiro Shihan qui enseigna ces techniques tout en restant fidèle à la façon dont il les avait appris du Fondateur de l’Aïkido. Il les transmis à ses étudiants à travers le monde avec une intention claire de préserver et transmettre ces techniques aux générations suivantes.
Morihiro Shihan est le père de Hitohira SAITO Sensei, l’actuel Kaicho, c’est-à-dire le dirigeant, de l’Iwama Shinshin Aiki Shuren Kai.

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Pourquoi et comment puis-je affirmer ce que j’ai écrit jusqu’à présent?

C’est parce que j’ai commencé à rédiger des comptes rendus des diverses remarques de Morihiro Shihan lors du 3ème seminaire qui se déroula à Denver -USA, en 1997 .

Le séminaire a été assez fructueux avec près de 500 participants, et un petit groupe d’entre nous, dont Morihiro Shihan, profitions d’une soirée privée chez moi le soir du dernier jour. J’ai commencé à écrire ce dont parlait Morihiro Shihan avec feu Stanley PRANIN, rédacteur en chef de Aïkido Journal, alors qu’ils devenaient plus bavards, grâce aux verres de saké. J’ai conservé l’ensemble de ces notes depuis ce jour. Par conséquent, je peux affirmer ce que j’ai écrit jusqu’à présent.

En fait, permettez-moi de partager avec vous quelques points clés de ce qui a été dit ce soir-là.
« Actuellement, il n’y a personne au Hombu (Aïkikaï) qui ait hérité des techniques d’armes «  Buki Waza » du fondateur de l’Aïkido.
À moins que je ne le prenne, il n’y a personne d’autre. Cependant il est plutôt hors de question, par respect comme par peur, qu’un disciple comme moi tente même d’organiser les techniques «waza» de son maître. Je me suis aussi dit que je pourrais apprendre et hériter de ses techniques, mais il serait extrêmement difficile de les transmettre aux générations futures.

Compte tenu de ma réflexion, j’ai décidé de: capturer ce que j’ai appris et maîtrisé et ce que le fondateur m’apprendra de l’Aïkido, en réalisant des photos et en créant « un catalogue » des techniques ».
Le meilleur moyen aurait été de prendre des photos du Fondateur de l’Aïkido lui-même. Mais la seule idée d’un disciple tenant un appareil pour prendre des photos de son Maître, lui était si scandaleuse que c’était totalement hors de question.
« Bien qu’il y ait des gens qui se vantent de photos prises à Iwama  avec Ô Sensei, le fait est que j’avais l’habitude de demander au Fondateur de l’Aïkido, quand il était de bonne humeur, de venir se lever devant la caméra en guise de courtoisie pour certains visiteurs venus visiter l’Aïki-jinja et s’entraîner au Dojo d’Iwama. »

En fin de compte, ceux qui étaient les plus proches du fondateur de l’Aïkido n’ont pas de photos avec lui.

J’ai surtout intégré les techniques «waza» du Fondateur tout en restant fidèle à ses mouvements. Ceci de manière à pouvoir les reproduire pour les capturer en photos. Bien qu’il n’y ait pas eu de mauvaise intention de ma part, étant donné les conditions de santé dans lesquelles se trouvait Ô Sensei à ce moment-là. Je n’avais aucun moyen de lui demander «la demande la plus grossière et la plus scandaleuse» d’enregistrer et de cataloguer ses techniques.
Je n’ai donc pas hésité à prendre la peine de me rendre dans différents endroits comme le mont Atago (Note: Mont situé en périphérie d’Iwama où Ô Sensei se rendait régulièrement) pour réaliser des séances photos en secret.

Après d’énormes efforts, les 5 volumes pédagogiques illustrés de photos, intitulés «Aikido: Principes de Ken, Jo & Taijutsu» (également connu sous le nom de «Traditional Aikido, Vol.1 ~ 5») ont été publié par Minato Research & Publishing Company au début des années 1970.

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Après la disparition du fondateur de l’Aïkido, de nouvelles directives pédagogiques pour l’Aikikai Aikido ont été mises en place. Elles étaient centrées sur le Taijutsu « techniques à mains nues » avec moins d’accent sur les techniques d’armes « Buki Waza ».

Pourquoi?

« À l’époque, une majorité, si ce n’est l’ensemble des instructeurs (dont la plupart devinrent plus tard des Shihans) envoyés à l’étranger par le Hombu Dojo n’avaient pas pratiqué les techniques d’armes « Buki Waza » du Fondateur de l’Aïkido. Par conséquent le Hombu Dojo a commencé à critiquer ceux qui avaient été uchideshi (élèves internes) à Iwama et sont retournés dans leur pays d’origine,  comme ceux qui perturbaient les normes de l’Aïkido. Et alors que j’allais visiter les anciens Uchideshi d’Iwama, le Hombu m’a également étiqueté comme principale cause de confusion. Néanmoins, j’étais solennellement conscient du devoir que j’avais pris d’hériter mais aussi de transmettre aux générations futures, les techniques du fondateur de l’Aïkido et en particulier celles des armes. Au-delà de ma volonté de les préserver en les transmettant aux générations futures, j’avais choisi de semer de nombreuses graines et de récompenser ceux qui ont excellé avec des certificats pour maintenir un niveau de qualité. C’est-à-dire diffuser les techniques transmises par le Fondateur avec un haut niveau d’intégrité technique». »

Ce qui est écrit ci-dessus correspond à ce que j’ai écrit et conservé cette nuit-là.

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1953 – Morihiro SAITO Sensei devant l’Aïki-Jinja à Iwama

Morihiro Shihan a commencé à étudier sous le fondateur de l’Aikido en 1946. Il s’est entrainé directement avec le fondateur de l’Aïkido pendant les 23 années qui suivirent et ce jusqu’à la disparition de son Maître. Avec sa femme , il a également aidé le fondateur de l’Aïkido dans son quotidien et de diverses manières.
Non seulement Morihiro Shihan a rempli le devoir de gardien de L’Aïki-jinja jusqu’en 2002, mais il était aussi un Shihan de l’Aïkikaï qui avait atteint le rang de 9e dan.
Suite à la disparition du fondateur de l’Aikido, Morihiro Shihan a commencé à voyager à l’étranger, plus souvent et plus activement qu’auparavant. Ceci dans le but de rendre visite à ses étudiants et de continuer son enseignement. Il a été accueilli avec de grandes et chaleureuses réactions partout où il s’est rendu. Cependant, il est ironique de s’apercevoir qu’en proportion du nombre de réactions positives qu’il a reçues lors de ses séminaires à l’étranger, le nombre de plaintes des instructeurs et des Shihan du Hombu Dojo augmenta. Souvent simplement parce qu’ils ne pouvaient pas enseignez les techniques d’armes « Buki Wazas ».
Pour ces instructeurs et Shihan du Hombu Dojo, s’ils ne pouvaient pas enseigner ce que leurs étudiants recherchaient, cela signifiait qu’ils perdraient leurs étudiants et, à leur tour, perdraient les moyens de gagner leur vie.
À ce propos, vous trouverez un hommage que j’ai rédigé à propos de Morihiro SAITO Shihan sous le lien suivant: http://www.nippon-kan.org/tribute-to-morihiro-saito-shihan

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Lorsque nous échangions au sujet de la venue de Morihiro Shihan à Denver pour la quatrième fois, je lui ai humblement suggéré:
 » L’année prochaine, venez avec Hitohiro SAITO Sensei (actuellement Hitohira SAITO Kaicho). De cette façon, il sera plus facile de réaliser une transition harmonieuse d’un père à un fils. »
Morihiro Shihan réfléchit silencieusement pendant un moment avant de dire:
«Non: Les étudiants qui viendront sont mes étudiants ou sont intéressés pour participer à un séminaire que je dirige. Cela ne marcherait pas si Hitohiro ne travaillait pas pour devenir digne d’avoir ses propres élèves. Si quelque chose se passe avec l’Aïkikaï Hombu après ma mort, j’ai déjà transmis tout ce que j’ai appris du fondateur de l’Aïkido à Hitohiro. Il doit donc pouvoir être seul pour poursuivre sa propre vie et voie avec ce qu’il a hérité de moi.

Morihiro SAITO sensei devant l’Aïki-jinja

Après la disparition de Morihiro Shihan, comme il l’avait prédit, tous les aspects des techniques d’armes, qu’il avait appris, maîtrisé et hérité ont été complètement niés. Et ce ne sont pas seulement les techniques d’armes qui ont été refusées et effacées de l’histoire de l’Aïkikaï.  Le nom même de la personne qui fut un grand pionnier et qui contribua à la diffusion de la pratique de l’Aïkido dans le monde après la disparition du fondateur : «Morihiro Saito » a été effacé.

En plus d’avoir effacé le nom de celui qui avait servi le plus longtemps le Fondateur de l’Aïkido, les réalisations et contributions de Morihiro Shihan dans le monde de l’Aikido ont été retirées de l’histoire de l’Aïkikaï.  En conséquence, un grand vide s’est créé non seulement dans l’histoire de l’Aïkido à Iwama mais dans l’histoire de l’Aïkido à l’Aikikai Hombu. Cependant, la situation actuelle est que ces vérités dérangeantes ont été balayées sous le tapis et que tout le monde garde le silence.

Cela a été comme un acte de purge, comme on observe souvent dans les pays sous un gouvernement dictatorial.  Ceci pour maintenir un statut quo. Après avoir vu que certaines photos historiques ont été modifiées avec le retrait de plusieurs personnes méritantes du passé, je ne peux m’empêcher de penser que «l’Aikido Rinri Kensho (la Charte éthique de l’Aikido)» publiée par la Fondation Aïkikaï le 5 janvier 2015, n’est qu’un manteau de déguisement pour un monde extérieur sans aucune signification.

Sans les deux personnes que sont Feu Morihiro SAITO et feu Koichi TOHEI (ancien dirigeant de l’Aïkikaï du département Shihan- 10e dan et fondateur de la société du Ki), il n’y aurait pas eu le développement et la croissance de l’Aïkikai Aïkido que le monde a vu.
Je suis sans voix de constater qu’un si grand nombre d’instructeurs, continuent d’ignorer les réalisations et les contributions de nos prédécesseurs. Cela sans élever la voix et faire prendre conscience de ceux qui ont contribué de façon significative à l’histoire et à la diffusion de la pratique de l’Aïkido au Japon et à l’étranger .
Bon nombre d’enseignants-instructeurs ne semblent pas hésiter à continuer de se tenir debout sur les cadavres de ces grands maîtres pour continuer à dire: « Regardez-moi! »

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Morihiro SAITO sensei et son fils Hitohiro SAITO sensei lors d’une démonstration

A ce stade, je devrais terminer un si long recueil d’anciennes anecdotes… Permettez-moi de me concentrer sur les points clés à partir de maintenant.

Morihiro Shihan a consacré sa vie non seulement à apprendre, maîtriser et hériter le répertoire technique du fondateur de l’Aïkido, en particulier les techniques d’armes, mais il les a aussi structurées et organisées en « Kata ». Ceci dans le but non seulement de les préserver, mais de permettre une transmissions aux générations futures auprès de tout pratiquant d’Aïkido. Morihiro Shihan répandit consciencieusement la pratique des katas et des techniques à travers le monde pour les préserver. Le fondateur de l’Aïkido était d’accord avec la façon dont Morihiro Shihan donnait ses instructions aux étudiants avec notamment sa remarque d’approbation: « Saito, il se débrouille bien dans son entrainement ».

Si vous étudiez la littérature pédagogique et visionner les clips vidéos réalisés par Morihiro Shihan, vous constaterez sans aucun doute que :
« non seulement le Kata 31 du Jo, mais aussi les différents « Kata du ken » et les façons de pratiquer les « Suburi » sont autant de techniques du Fondateur de l’Aïkido qui ont prospérées au travers de Morihiro Shihan ».

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Dans le cadre de la pandémie actuelle de COVID-19, le monde de l’Aïkido a été confronté à des défis sans précédent. Toute personne en position d’instructeur ne peut qu’admettre que la pratique des techniques d’armes a soutenu les actions des dojos pour éviter leur fermeture.
Ce que l’on voit excessivement sur les réseaux sociaux, c’est comment pratiquer le kata 31 du jo et d’autres mouvements de jo et de Ken. Bien que les instructions de Morihiro Saito Shihan sur les techniques d’armes aient été farouchement refusées dans le passé. Dans cette période sans précédent, de nombreux instructeurs de dojo à travers le monde sont sauvés par ses méthodes d’instruction.
De ce fait, chaque membre de l’IWAMA SHIN SHIN AIKI SHUREN KAI ne devrait pas seulement renouveler son sentiment de fierté de la lignée dont il fait partie. Il doit également réaffirmez son dévouement à continuer à pratiquer de manière cohérente et diligente pour préserver des traditions, et les transmettre aux générations futures.
L’IWAMA SHIN SHIN AIKI SHUREN KAI est l’organisation d’Aïkido qui a non seulement reçu l’héritage technique de feu Morihiro Shihan, mais aussi l’esprit de l’héritage qu’il a décidé de transmettre aux générations futures.

Je pense fermement que tous ceux qui se considèrent comme un disciple de Morihiro Shihan, avec la véritable attitude que tout Budoka devrait porter en lui-même, devraient transcender toutes les frontières des différents styles, organisations ou affiliations organisationnelles. Ils devraient aussi examiner de manière exhaustive comment les techniques d’armes de Morihiro Shihan ont vu le jour afin d’évaluer correctement la série de ses grandes réalisations. Morihiro Shihan a conservé les techniques d’armes du Fondateur de l’Aïkido et les a rendues disponibles pour les générations futures. Il est important d’apprécier et d’honorer avec justesse son héritage.

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De nombreux dojos ont une photo du fondateur de l’Aïkido accrochée sur leur mur. Beaucoup de dojos gardent bokken et jo. De nombreux étudiants s’inclinent solennellement et poliment devant un dojo, devant les instructeurs et les uns aux autres avant, pendant et après la pratique.

Beaucoup d’entre nous, sinon tous, inclinons la tête vers l’avant en entrant ou en sortant d’un dojo, et nous plaçons nos chaussures proprement là où elles doivent être placées. Nous sommes nombreux, sinon tous, à porter un hakama avec des plis verticaux. Beaucoup d’entre nous, sinon tous, élevons également un bokken ou un jo au-dessus de notre tête pendant les séances d’entrainement aux armes.

Cependant, ce sont toutes des performances dénuées de sens. Non seulement ces comportements sont principalement réalisés juste pour montrer que nous pouvons agir de certaines manières, mais ils sont également généralement réalisés sans un véritable sentiment de respect et d’appréciation.

À mon avis, cela revient à tirer un sentiment de satisfaction personnelle en glissant sur les mains courantes d’escaliers en public avec un skate-board.

Je pense aussi que de nombreux instructeurs d’Aïkido sont devenus tellement habitués à traiter avec des pratiquants qui ne résistent pas qu’ils sont devenus trop satisfaits d’eux-mêmes. Ils ont également tendance à se surestimer. Je pense fermement qu’il est vital que nous continuions à dire à notre âme des mots très simples: «Nos techniques n’ont pas émergé soudainement». Nous devons non seulement rester conscients des racines de ce que nous enseignons, mais réfléchir à ce que nous enseignons et comment ce que nous enseignons nous a été transmis.

On ne devient pas le budoka auquel on aspire juste en portant un hakama. Avant même de devenir Budoka, il y a ce que nous ne devrions pas perdre en tant qu’être humain.

Gaku Homma
Fondateur et Kancho de l’AHAN Aïkido Nippon Kan
Le 1er octobre 2020.

Traduction et images – Olivier EBERHARDT
Article original (anglais): http://www.nippon-kan.org/to-all-those-who-regard-yourself-as-a-disciple-of-late-morihiro-saito-shihan/?fbclid=IwAR0JT4XP_7v6xZdDVPh5fEv5JnMnIuhBmRpjWt0gnfdV-S7Aw7u5cyRmU1s

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